Dépistage du cancer colorectal : un test sanguin commercialisé en France
Responsable de 17 000 morts par an sur 41 500 cas diagnostiqués, le cancer du côlon est le deuxième cancer le plus meurtrier, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Plusieurs méthodes de dépistage ont été développées, mais chacune présente des inconvénients qui limitent leur adoption par les Français. Avec son nouveau test sanguin, Septine 9, le laboratoire Epigenomics espère lever les freins encore très ancrés dans la société.
Un dépistage précoce du cancer colorectal est gage d’une meilleure prise en charge de la maladie et accroît donc les chances de guérison. Pour diverses raisons, le test actuel de dépistage, Hémoccult ®, ne remporte pas le succès escompté. Simple, relativement peu cher et sans danger, un test sanguin pourrait améliorer le taux de participation. Encore faut-il qu’il fasse ses preuves
Dépistage du cancer colorectal : deux approches, trois solutions
Le dépistage du cancer colorectal repose actuellement sur deux approches : l’une individuelle, l’autre de masse.
– Dans l’approche de masse mise en place par les autorités sanitaires (ou dépistage organisé), le dépistage repose sur la recherche de sang dans les selles. Le test utilisé est l’Hémoccult ®, qui consiste en l’analyse d’un échantillon de selles prélevées par le patient lui-même avant d’être envoyées au laboratoire. Il s’adresse à toutes les personnes âgées de 50 à 74 ans, invitées à recommencer tous les deux ans.
Le principal intérêt de ce test ? Son coût. Très modique à l’unité, il ne l’est cependant pas tant que ça lorsque l’on considère le coût global du dépistage, qui requiert une organisation assez importante, souligne le Dr Philippe Presles, médecin et économiste de la santé. Il présente en revanche plusieurs inconvénients majeurs, parmi lesquels la réticence des gens à faire ce test, lequel n’est, en outre, pas si simple à réaliser, ainsi que le taux élevé de faux négatifs (taux de personnes déclarées négatives à l’issue du test alors qu’elles ont en réalité un cancer), qui s’élève jusqu’à 50 % selon les études, ajoute le médecin. A l’inverse, la valeur prédictive positive (VPP), qui correspond au fait qu’une personne positive au test a effectivement un cancer colorectal, n’est que de 5 à 18 %, ce qui est très faible. Enfin, la campagne de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal serait ignorée par 40 % de nos concitoyens. Même l’Alsace, qui fait figure de modèle avec un taux de participation supérieur à 52 %, montre d’une année sur l’autre des signes de désintérêt, avec une baisse régulière de la participation.
En 2013, les tests immunologiques, plus simples, plus fiables et plus efficaces, devraient remplacer le test Hémoccult ® dans le cadre du dépistage organisé. L’Institut national du cancer (INCa), qui contrôle le dépistage organisé du cancer colorectal, espère ainsi mobiliser davantage les populations cibles.
– L’approche individuelle, quant à elle, repose sur la coloscopie. Elle est généralement proposée par le médecin aux patients dont le test Hémoccult ® s’est avéré positif, mais aussi en première intention aux personnes ayant des antécédents ou présentant des signes d’alerte (saignements, troubles du transit, constipation, diarrhée, fatigue
inhabituels), ou encore à ceux dont le médecin est contre l’Hémoccult ® – un tiers des médecins généralistes, si l’on en croit une enquête réalisée en 2011¹. Ce test présente le gros avantage d’être plus précis que l’Hémoccult ® et surtout d’associer une action thérapeutique (avec le retrait de polypes) à la démarche préventive. Un avantage considérable quand on sait que l’ablation des polypes réduit de moitié le risque de décès à 15 ans. En contrepartie, il s’agit d’une intervention nécessitant une préparation assez lourde (purge) ainsi qu’une anesthésie générale ; de plus, son prix est élevé et elle n’est pas dénuée de risques, avec en premier lieu la perforation du côlon, rappelle le Dr Philippe Presles.
Certains médecins proposent également le coloscanner en cas de symptômes et d’antécédents, mais l’exposition aux rayons X, l’impossibilité de retirer les polypes, la préparation qui doit être faite la veille et enfin le fait que cette intervention ne soit pas remboursée limitent son usage.
Septine 9, un test de dépistage sanguin
De nombreux laboratoires planchent actuellement sur le développement de tests de dépistage sanguin des cancers. Les tumeurs colorectales n’échappent pas à cette dynamique : en 2009, lors du congrès européen sur le cancer à Berlin, la firme belge OncoMethylome Sciences avait présenté des résultats encourageants d’un nouveau test sanguin². Epigenomics avait quant à elle publié l’année d’avant des résultats également positifs³ et concluait à l’intérêt de poursuivre les travaux sur son test de dépistage Septine 9. Pour le laboratoire allemand, ce test représente une alternative efficace aux méthodes utilisées jusqu’alors, susceptible d’améliorer la compliance de la population cible.
Quatre ans après, le test a été mis sur le marché. Le laboratoire s’est enquis au préalable de l’accueil que pourraient réserver les médecins et le public à un test de dépistage sanguin du cancer colorectal : les réponses, très favorables, l’ont conforté dans son idée. En effet, d’après l’enquête¹, 80 % des personnes interrogées saluent la simplicité de la prise de sang par rapport au prélèvement/conservation/envoi de selles, et 86 % affirment avoir l’intention de faire ce test. Parallèlement, les médecins pensent à une très large majorité (86 %) qu’un test sanguin améliorera le taux de dépistage du cancer colorectal et font le pari qu’il sera préféré au test Hémoccult ®.
Avec une spécificité de 99,9 % (proportion de tests négatifs chez les non-malades) et une sensibilité de 81 % (proportion de tests positifs chez les malades, tous stades confondus) dans les études réalisées par le laboratoire, Septine 9 affiche des résultats a priori très encourageants. Mais ils pourraient toutefois être tempérés par ceux issues d’études menées dans des conditions réelles de dépistage. Ainsi, les données issues d’un observatoire suisse qui a porté sur 123 tests font état d’une valeur prédictive positive de seulement 45 %, selon les informations communiquées à Doctissimo par Yves Derveaux, responsable France d’Epigenomics. Autrement dit, la fiabilité de Septine 9 ne serait pas aussi grande qu’espérée, avec une proportion élevée de faux positifs (soit autant de gens inquiétés par une prise de sang positive, chez lesquels une coloscopie invalidera finalement le premier diagnostic). Par ailleurs, « il est pour linstant montré que le taux de détection des adénomes serait plus important avec les tests immunologiques que sanguin (25-30 % contre 40 %) », ajoute Yves Derveaux. L’étude PRESEPT, réalisée dans les conditions réelles de dépistage auprès de 7 940 personnes et qui devrait être publiée fin 2012, montre quant à elle une sensibilité de 51 à 67 % (contre 20 % pour l’Hémoccult ®) et une spécificité de 88 % (là encore, supérieure à celle du test au gaïac), souligne le Pr Philippe Godeberge, gastroentérologue à Paris.
Quel avenir pour Septine 9 ?
Beaucoup de paramètres restent à déterminer avant d’envisager l’utilisation de Septine 9 en dépistage de masse. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Si le laboratoire ne le clame pas haut et fort, son ambition, à terme, est bien « d’entrer dans le dépistage organisé », confie Yves Derveaux à Doctissimo. Mais il faudra d’ici là déterminer la fréquence à laquelle Septine 9 doit être refait, la démarche à entreprendre en cas de test positif mais de coloscopie négative, et surtout vérifier sa fiabilité en population et son impact réel sur le terrain, reconnait le responsable France d’Epigenomics. Pour cela, il faudra démontrer le bon rapport coût/efficacité du test sanguin dans une étude comparant Septine 9 au test immunologique qui sera de rigueur en 2013, sur une cohorte de 10 à 12 000 personnes.
Les autorités américaines du médicament (la Food and Drug Agency – FDA) ont quelques longueurs d’avance sur la France, puisqu’ils mènent actuellement une étude en vue d’intégrer le test à leur système de dépistage de masse : la moitié des gens suivis participeront au dépistage organisé « classique », l’autre moitié se verra proposer une coloscopie ou Septine 9. Résultats attendus d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
En attendant, Septine 9 peut être prescrit dans le cadre d’un dépistage individuel. Le test coûte 95 , non pris en charge par l’Assurance Maladie. L’assureur SwissLife propose toutefois son remboursement dans le cadre de son forfait prévention santé.
Amélie Pelletier
Sources
Conférence de presse organisée par Swiss Life le 4 juillet 2012.
1. Enquête Insemma, réalisée en février 2011 auprès de 100 médecins et de 100 patients, pour le compte d’Epigenomics.
2. « A Plasma-based colorectal cancer (CRC) screening assay using DNA methylation markers – first results of multicenter studies » – European Journal of Cancer Supplements, Vol. 7, No 3, September 2009, Page 9 (téléchargeable sur Internet).
3. « Sensitive Detection of Colorectal Cancer in Peripheral Blood by Septin 9 DNA Methylation Assay » – PLoS ONE, Novembre 2008, Volume 3, n°11, e3759 (téléchargeable sur Internet).
doctissimo.fr
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